"Les peintres écrivent"

Une fois par mois Catherine Kunz nous plonge au cœur de la vie d'artistes et de leurs oeuvres.

Paul Gauguin « Ecrits et correspondance »

Lettre à Schuffenecker, 8 octobre 1888, Quimperlé
(…)
J’ai fait un portrait de moi pour Vincent van Gogh qui me l’avait demandé. C’est je crois une de mes meilleures choses: absolument incompréhensible tellement il est abstrait.
Tête de bandit au premier abord ! un Jean Valjean personnifiant aussi un peintre impressionniste déconsidéré et portant toujours une chaîne pour le monde.
Le dessin est tout à fait spécial, abstraction complète.
Les yeux, la bouche, le nez sont comme des fleurs de tapis persan personnifiant aussi le côté symbolique.

La couleur est une couleur loin de la nature; figurez-vous un vague souvenir de la poterie tordue par le grand feu ! Tous les rouges, les violets, rayés par les éclats de feu comme une fournaise rayonnant aux yeux, siège des luttes de la pensée du peintre.
Le tout sur un fond chrome parsemé de bouquets enfantins. Chambre de jeune fille pure. L’impressionniste est un pur, non souillé encore par le baiser putride de l’Ecole des Beaux-Arts.
Théo van Gogh vient de me prendre pour 300 francs de poteries. Aussi je pars à la fin du mois pour Arles, où je resterai longtemps je crois, attendu que ce séjour a pour but de me faciliter le travail sans souci d’argent, jusqu’à ce qu’il soit arrivé à me lancer.

Durée : 1h15

 

Né en France, Paul Gauguin (1848–1903) passe une partie de sa jeune enfance au Pérou, parcourt ensuite le monde dans la marine marchande et nationale de France, puis travaille comme agent de change. Après des débuts de peintre amateur, il devient artiste à temps plein au début des années 1880 et expose avec les impressionnistes. De plus en plus insatisfait des limites du naturalisme, Gauguin défie les conventions de la représentation et expérimente différentes techniques, poussant plus loin la couleur et la forme vers de nouvelles qualités expressives. Il crée un art visuel symboliste axé sur l’onirisme, l’imagination et la spiritualité.

À partir de 1886, il fait plusieurs séjours en Bretagne et voyage dans les colonies françaises de la Martinique (1887), puis de la Polynésie, à la recherche d’idées nouvelles loin du monde de l’art parisien. Après un séjour prolongé à Tahiti (1891–1893), il rentre à Paris pour affirmer son rôle de chef de file de l'avant-garde. Il part de nouveau vers les îles de la Polynésie en 1895 pour vivre un exil. Il cultive son identité de marginal à la recherche d’une libération sociale et artistique, sans toutefois délaisser les avantages que lui procure son statut d’Européen.

Une heure de plongée auditive au coeur de la vie de Paul Gauguin et de son feu créateur. 

Les textes ont été choisis et mis en forme par Christine Barbey dans le cadre de lectures données à l'Espace Catherine Colomb à St-Prex.

Bar et petite restauration dès 18h.